« Erdogan dégage! »: Paris se mobilise pour la Turquie
|« Erdogan dégage! »: Paris se mobilise pour la Turquie
Adrienne Sigel
BFMTV Publié le 05/06/2013
REPORTAGE – Plusieurs centaines de personnes, jeunes et moins jeunes, d’origine turque ou non, se sont rassemblées mardi soir, à Paris, pour exprimer leur solidarité au mouvement de révolte anti-gouvernement amorcé il y a six jours dans les grandes villes de Turquie. BFMTV.com y était.
Organisé par l’Assemblée citoyenne des originaires de Turquie (ACORT), ce rassemblement, soutenu par des ONG comme Amnesty International, mais aussi plusieurs partis d’extrême-gauche, avait pour objectif de dénoncer la violente répression policière contre les manifestants, à Istanbul et Ankara.
De Paris à Taksim. Turcs, Français d’origine turque mais aussi Arméniens et Tunisiens se sont donné rendez-vous au pied de la Fontaine des Innocents, au cœur de Paris, mardi soir, pour un rassemblement de soutien au mouvement de révolte contre le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan, lancé depuis maintenant six jours en Turquie.
Les deux lieux symboliques de ce soulèvement d’une partie de la population, la place Taksim et le parc Gezi à Istanbul, menacé par un projet d’urbanisation, étaient présents sur toutes les pancartes et dans tous les slogans, scandés en coeur par plusieurs centaines de personnes.
Une police « sans pitié »
« A l’origine, les Stambouliotes protestaient pacifiquement contre la destruction du parc Gezi. Les policiers les ont attaqués sans raison ». Buket, une jeune Française d’origine turque, rappelle, la colère dans la voix, d’où est véritablement partie la protestation et les violences qui ont suivi.
« La police n’a eu aucune pitié à l’égard des manifestants », témoigne pendant ce temps au mégaphone une jeune femme de retour d’Istanbul, qui se trouvait place Taksim. « On nous bombarde de gaz lacrymogène 24 heures sur 24 », ajoute-t-elle avant d’assurer avoir « vu de ses propres yeux » des partisans de l’AKP, le parti d’Erdogan, se confondre dans la foule pour réprimer les manifestants.
Une violence inadmissible pour Fevziye, également venue témoigner sa solidarité, et pour qui le gouvernement turc mène une véritable « dictature » depuis son arrivée au pouvoir, il y a onze ans. Cette franco-turque n’espère qu’une chose: « l’échec de l’intégrisme » progressivement instauré par Erdogan en Turquie, selon elle. « On l’aura », ajoute Fevziye, les yeux brillants.
La peur de l' »islamisation »
Car c’est bien cette dérive ultra-conservatrice que redoutent les manifestants, et les menaces qu’elle fait peser sur la laïcité, un des fondements de la République kémaliste.
Certains n’hésitent d’ailleurs plus à parler d’une « islamisation » de la société turque, par le biais de petites réformes passées depuis quelques mois. L’interdiction de vente d’alcool après 22 heures -qui vient d’être adoptée- la banalisation du port du voile pour les femmes, ou les lois sur l’avortement, en sont les derniers exemples en date.
« Erdogan dégage! »
Les slogans réclamant le départ de Recep Tayyip Erdogan ornent bon nombre de banderoles, confirmant le ras-le-bol de la population turque à l’égard d’un leader politique devenu tyran. « Il nous dit comment nous vêtir, comment penser, comment étudier, quelle religion adopter », déplore Tuba. Venue avec ses amis Zeynel, Ozlem et Sadik, tous Français d’origine turque, la jeune femme est révoltée contre les pratiques du Premier ministre, « qui change les lois en sa faveur et achète ses électeurs à grand renfort de livraison de produits de nécessité ».
Tous sont septiques quant à l’évolution du mouvement. D’autant plus que la reprise du travail, lundi, a fait diminuer le nombre de manifestants. Mais pour Zeynel, si la révolte se poursuit, Erdogan enverra « plus de flics ». Voire l’armée. Une seconde option qui aboutirait directement à une guerre civile, selon lui.
Contourner la censure
A Paris comme à Istanbul, Ankara ou Izmir, les principales villes de Turquie secouées par la révolte, les informations concernant les manifestations circulent via les réseaux sociaux, notamment grâce au mot-clé » #occupygezi« . Et pour cause: hormis une ou deux chaînes de télévisions locales, les médias traditionnels sont contraints de se taire, pour éviter tout problème.
Des rumeurs concernant une possible coupure de la 3G, sur place, pour empêcher la diffusion d’images sur Twitter, circulaient depuis plusieurs jours. Melissa, une Stambouliote vivant en France depuis dix ans, en contact permanent avec ses amis et parents à Istanbul depuis le début du mouvement, confirme à BFMTV.com que cette coupure a bien eu lieu. « Mais on sait comment accéder à Internet par d’autres canaux », relativise-t-elle. « On nous avait déjà censuré Youtube ».
Pour cette thésarde en études théâtrales, même si la protestation retombe, « les choses ne seront plus jamais pareilles ». Et de justifier: « Une telle mobilisation n’avait pas eu lieu depuis trente ans en Turquie ».
http://www.bfmtv.com/international/erdogan-degage-paris-se-mobilise-turquie-530340.html